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La Résurrection d’une Hérésie Française : Josué De La Place et le Rejet de l’Imputation Immédiate du Péché d’Adam à sa Postérité / The Resurrection of a French Heresy

 

Martyn McGeown

  1. Introduction
  2. Un Bref Historique de la Controverse
  3. L’Histoire du Dogme du Péché Originel
  4. Le Dogme Réformé du Péché Originel
  5. Culpabilité Originelle et Corruption Originelle
  6. Une Étude Exégétique de Romains 5
  7. Conclusion

 

I. Introduction

L’Association Amyraldienne, dirigée par Alan C. Clifford à Norwich, en Angleterre, promeut agressivement les vues de l’hérétique Français, Moise Amyraut (1595-1664). Moins connus sont les collègues d’Amyraut à l’Académie de Saumur, Josué De La Place (1596-1665) et Louis Cappel (1585-1658). Frans Pieter Van Stam, un historien sympathisant d’Amyraut, écrit : « Dans cette académie, en 1631, trois théologiens relativement jeunes ont été désignés qui, ensemble, formèrent une équipe soudée ».1 Alors qu’Amyraut sapait l’expiation, De La Place renversait la doctrine du péché originel et Cappel attaquait le texte des Écritures.

Non contente de ressusciter les vues d’un hérétique Français, l’Association Amyraldienne fait maintenant la promotion des vues erronées de Josué De La Place sur le péché originel. Dans une publication récente, approuvée avec enthousiasme par Clifford, David Llewellyn Jenkins expose la doctrine de De La Place sur l’imputation médiate. Cette doctrine pervertit la doctrine du péché originel et, comme le soutient cet article, met en péril la doctrine de la justification, tel un fruit amer que l’on peut constater dans les écrits de l’Association Amyraldienne.

 

II. Un bref historique de la controverse

Josué De La Place (ou Placaeus) est nommé professeur de théologie à l’Académie de Saumur en 1631 ou 1632. Il y reste professeur jusqu’à sa mort en 1665, moins d’un an après celle de son ami et collègue Amyraut. En 1640, six ans après la publication du tristement célèbre Bref Traitté de la Prédestination d’Amyraut, De La Place publie son traité sur le péché originel, De statu hominis lapsi ante gratiam.2 Il sera suivi en 1655 par De Imputatione Primi Peccati Adami. Dans ce dernier traité, De La Place expose sa position sur l’imputation médiate.

La doctrine de l’imputation médiate de De La Place a été définie de différentes manières par les théologiens. Jenkins la définit de cette façon : « La croyance que le péché d’Adam n’a atteint ses descendants seulement de façon médiate par l’état pécheur hérité ».3 James Buswell écrit : « Cette doctrine impliquerait que nous ne sommes pas des pécheurs coupables parce que notre représentant a péché, mais que nous ne sommes des pécheurs coupables que parce que nous sommes nous-mêmes individuellement corrompus ».4 James Garrett définit l’imputation médiate comme « la théorie selon laquelle la dépravation est le moyen par lequel a lieu l’imputation de la culpabilité d’Adam à tous les êtres humains ».5 Robert L. Dabney élucide ainsi la doctrine :

[De La Place] a dit que l’imputation du péché d’Adam n’était que médiate, et qu’elle résultait de notre participation à la dépravation totale de notre nature, que nous recevons par la grande loi de l’engendrement à sa ressemblance. Nous, étant ainsi dépravés par nature, et, pour ainsi dire, approuvant son péché, en manifestant le même esprit et en commettant des actes similaires, il est juste de la part de Dieu de nous impliquer dans les mêmes punitions.6

Stanley Grenz offre l’explication la plus utile exprimée dans un syllogisme simple : « Nous ne sommes pas coupables du péché d’Adam ; Dieu nous attribue plutôt la culpabilité en raison de la présence de la dépravation en nous… Adam a péché ; par conséquent, tous sont dépravés ; par conséquent, tous sont coupables ».7 Cela contraste avec la position orthodoxe : « Adam a péché ; par conséquent, tous sont coupables. »8

De La Place a introduit sa doctrine au milieu de la controverse Amyraldienne, alors que les Églises Réformées Françaises étaient déjà dans l’agitation à propos de la vision de l’expiation universelle hypothétique d’Amyraut. Le Synode national de Charenton s’est réuni en 1645 et a disculpé Amyraut, mais il a également publié le décret suivant en référence à un certain enseignement sur le péché originel circulant dans les Églises Françaises :

Le Synode condamne ladite doctrine dans la mesure où elle restreint la nature du péché originel à la seule corruption héréditaire de la postérité d’Adam, à l’exclusion de l’imputation de ce premier péché par lequel il est tombé, et interdit sous peine de toutes les censures de l’Église, à tous les pasteurs, professeurs et autres personnes qui traiteront de cette question, de s’écarter des opinions communes reçues des Églises Protestantes, qui (outre cette corruption) ont toutes reconnu l’imputation du premier péché d’Adam à sa postérité. Et tous les synodes et colloques, qui procéderont par la suite à la réception des candidats au saint ministère, sont tenus de les voir signer et de souscrire au présent acte.9

De nombreux écrivains considèrent ce décret comme une condamnation de De La Place, bien qu’il ne soit mentionné nulle part dans le décret comme étant celui qui est coupable d’hétérodoxie. Par exemple, Brian Armstrong, un sympathisant d’Amyraut, écrit : « Cette condamnation des vues de De La Place a été un coup dur pour l’Académie de Saumur ».10 Van Stam est d’accord : « Il est parfaitement clair, cependant, que le Synode avait à l’esprit les idées de Josué De La Place, le collègue d’Amyraut à Saumur ».11

Jenkins, l’avocat moderne de De La Place, estime cependant que les vues de De La Place n’ont pas été condamnées par les Synodes Français. Il a découvert une lettre de Charles Drelincourt (1595-1669) adressée à De La Place en 1653, dans laquelle Drelincourt, délégué au Synode de Charenton et qui a contribué à la rédaction du décret précédemment cité, assure à De La Place que la condamnation n’était pas du tout dirigée contre lui : « Monsieur, je peux bien vous assurer, ainsi qu’à tous ceux qui en doutent, que l’intention du dernier Synode national de Charenton n’était nullement de condamner votre personne ou la doctrine que vous avancez ». Il écrit ensuite qu’il est en plein accord avec De La Place : « Nous n’avons jamais pensé à imposer l’imputation du péché d’Adam que vous appelez antécédente et immédiate, mais seulement celle que vous nommez conséquente et médiate. Et pour ma part, je l’ai toujours conçu et enseigné ainsi ».12 Jenkins conclut, « De La Place est largement en accord avec le décret tel qu’il a été établi à Charenton, et ne se considère certainement pas condamné par celui-ci… Il a seulement été présenté comme étant une dénonciation de De La Place par Garrisoles et ses partisans après les faits ».13

John Murray inclut cette préface au décret du Synode et on se demande, si De La Place n’est pas visé ici, qui l’est ? La préface se lit comme suit,

Le Synode a rapporté qu’un certain écrit, imprimé et manuscrit, soutenait cette doctrine, que toute la nature du péché originel consistait uniquement en cette corruption, qui est héréditaire à toute la postérité d’Adam, et qui réside originellement dans tous les hommes, et qui nie l’imputation de son premier péché.14

Quel écrit avait été porté à la connaissance du Synode et qu’est-ce que le Synode condamnait sinon le traité de De La Place publié quelque cinq ans auparavant ? Dabney soutient que De La Place savait qu’il était condamné et qu’il a inventé la distinction entre l’imputation médiate et immédiate pour éviter la censure : « La distinction semble avoir été une ruse destinée à se protéger de la censure ».15 Turretin est d’accord et accuse De La Place de « faire de la fumée » avec sa distinction artificielle entre l’imputation médiate et immédiate.16

Si Jenkins a bien vu en affirmant que le Synode n’a pas, en fait, condamné De La Place, cela ne fait que souligner davantage la faiblesse des Églises Réformées Françaises. Celles-ci n’ont pas été en mesure de condamner Amyraut et De La Place pour leurs vues aberrantes respectivement sur l’expiation et le péché originel. Amyraut et De La Place étaient pleinement d’accords sur cette question. Jenkins s’enthousiasme : « Il n’est pas surprenant que l’opinion de De La Place concernant le péché d’Adam ait été finalement approuvée par Moise Amyraut et intégrée à son propre enseignement ».17

De La Place n’a jamais été condamné nommément par les Synodes Français et ni lui, ni Amyraut, ni Cappel n’ont jamais été disciplinés. Néanmoins, la doctrine de De La Place a été critiquée de toutes parts, notamment en Suisse dans la Formule du Consensus Helvétique (1675) où nous lisons :

Nous croyons donc que le péché d’Adam est imputé à toute sa postérité par un juste et secret jugement de Dieu. L’apôtre Saint Paul témoigne que tous ont péché en Adam, que par la désobéissance d’un seul homme, plusieurs sont rendus pécheurs (Rom. V. 12, 19) et que tous meurent en lui (1 Cor. XV. 21, 22). Et certainement on ne voit point de raison pour laquelle une corruption héréditaire semblable à une mort spirituelle, aurait, par un juste jugement de Dieu, enveloppé tout le genre humain, s’il n’eût commis auparavant quelque péché (delictum) qui le rendît (inducens) digne (reatum, coupable) de cette mort : Dieu, qui est un juge très juste de toute la terre, ne punit que les coupables (Canon X).

L’homme est donc, depuis le péché (post peccatum), soumis de sa nature en deux manières à la colère de Dieu et à sa malédiction, et cela dès le premier moment de sa naissance et avant qu’il ait commis aucun péché actuel. Il est soumis à cette colère et à cette malédiction 1° pour la faute qu’il a commise et la désobéissance où il est tombé, lorsqu’il n’était encore que dans les reins d’Adam ; et en 2nd lieu, à cause de la corruption que cette désobéissance a entraînée après soi. Il hérite de cette corruption dans le temps même de la conception, et elle le rend entièrement dépravé et mort d’une mort spirituelle. De sorte que c’est avec raison qu’on distingue deux sortes de péché originel, savoir le péché imputé et le péché inhérent et héréditaire (Canon XI).

Nous ne saurions donc, sans trahir la vérité céleste, admettre le sentiment de ceux qui nient qu’Adam ait, par un établissement de Dieu, représenté tous ses descendants, et, par conséquent, que son péché leur soit immédiatement imputé. En se servant du terme d’imputation médiate et conséquente, non seulement ils anéantissent l’imputation du premier péché, mais encore ils rendent extrêmement problématique la thèse (assertio) de la corruption héréditaire (Canon XII).18

Les Suisses n’étaient pas les seuls opposants à la théorie de De La Place. Robert Haldane cite la réaction de la faculté de théologie de Leyde du 15 novembre 1645 :

Nous avons appris avec une grande douleur que la doctrine, qui a été d’un commun accord reçue comme scripturale concernant l’imputation du péché d’Adam, est maintenant perturbée, alors que lorsqu’elle est niée, la corruption originelle de la nature humaine ne peut être juste, et un passage vers un déni de la justice du second Adam est facilité.19

Les théologiens de Saumur s’en tenaient à une vision particulière de la dépravation de l’homme qui « a inspiré les travaux de De La Place sur le péché d’Adam ».20 Distinguant entre une capacité naturelle et une capacité morale, De La Place et Amyraut ont enseigné que « l’homme est naturellement capable de répondre à la grâce parce qu’il possède à la fois la compréhension et la volonté, mais ne le fera pas à cause des effets corrompus du péché sur l’esprit. »21 Cela signifie que l’homme « est capable de comprendre, de raisonner et de prendre la décision, la décision rationnelle, d’arriver à la foi » et que « si, malgré sa capacité naturelle, l’homme décide de ne pas accepter l’offre universelle de Dieu », il n’a que lui-même à blâmer pour la damnation qui s’ensuit.22 Il ne s’agit pas d’une distinction biblique. La Bible dit que « nul n’est intelligent » (Rom. 3:11) et décrit les impies comme « ayant l’intelligence obscurcie » (Eph. 4:18). La compréhension est un don de Dieu propre aux régénérés (I Jean 5:20), et non une dotation naturelle. La doctrine de Saumur, bien sûr, s’accorde avec la grâce universelle et une volonté universelle de Dieu pour sauver tous les hommes (avec une autre volonté particulière de Dieu pour sauver certains),23 mais pas avec une grâce particulière, efficace et souveraine, enracinée dans une élection particulière et inconditionnelle et manifestée dans une expiation particulière et efficace.

 

III. L’histoire du dogme du péché originel

De La Place, comme Amyraut, fait appel à Calvin pour soutenir sa doctrine. Pour évaluer cette revendication, nous nous tournons vers l’histoire du dogme, car nous ne pouvons comprendre la position de Calvin que si nous comprenons le climat théologique depuis lequel il s’est engagé dans la controverse.

Pélagianisme

Pelage (c. 354-418) nie carrément le péché originel. Selon Pelage, Adam a péché en tant qu’individu et son péché n’a eu aucun effet sur sa postérité, sauf à titre d’exemple. Les Pélagiens, comme l’explique Warfield, « nient donc totalement que les hommes souffrent du péché d’Adam ou profitent des mérites du Christ ».24 Le pélagianisme a été fermement condamné par l’Église primitive, notamment en raison des travaux polémiques d’Augustin.

Le Catholicisme Romain

Le Catholicisme Romain a développé une doctrine du péché semi-pélagienne, surtout au Moyen-Âge, et c’est à cette doctrine que les Réformateurs ont réagi. C’est au Concile de Trente que Rome a codifié sa doctrine du péché originel. Rome a fait cela en réponse au Protestantisme qui enseignait la dépravation totale de l’homme. Rome, dans l’intérêt de la sauvegarde du libre arbitre de l’homme, a rejeté la doctrine de la dépravation totale de la Réforme. Trente enseignait ce qui suit concernant le péché originel : Adam, par sa désobéissance, « perdit immédiatement la sainteté et la justice dans lesquelles il avait été constitué »25 et « tout Adam, par ce délit de prévarication, fut changé, corps et âme, pour le pire ».26 De plus, Trente anathématisa les Pélagiens qui « affirment que la prévarication d’Adam ne blesse que lui-même et non sa postérité ».27 Adam a transmis à sa postérité à la fois la culpabilité et la corruption, mais « par la grâce [du Christ], qui est conférée par le baptême, la culpabilité du péché originel est remise »28 et, de plus, la concupiscence chez les baptisés « n’est pas vraiment et proprement un péché chez ceux qui sont nés de nouveau ».29 Enfin, Trente n’a pas l’intention d’inclure la Vierge Marie parmi les personnes souillées par le péché originel.30 Murray remarque,

On pourrait déduire de ces déclarations que le péché d’Adam, qui est le péché de tous, est celui qui, par propagation, est transmis à tous. Cette notion est évidemment très différente de celle de l’imputation à tous de la transgression même d’Adam.31

Il est important de noter que Trente répondait, non seulement aux Réformateurs mais aussi à certains de ses propres théologiens, Albertus Pighius (1490-1542) et Ambrosius Catherinus (1483-1553), qui comprenaient que le péché originel consistait en une simple imputation du péché d’Adam, mais sans corruption conséquente de la nature. A. A. Hodge écrit,

Au Concile de Trente, Albertus Pighius et Ambrosius Catherinus … ont soutenu que la culpabilité imputée du premier péché d’Adam constituait le seul motif de condamnation qui repose sur les hommes à la naissance. Le Concile n’a pas autorisé cette hérésie, mais a néanmoins maintenu une vision plus négative que positive de la corruption coupable inhérente à l’homme.32

A. S. Lane dans l’introduction de son essai quant à la polémique de Calvin contre Pighius le confirme :

Pighius posait une théorie nouvelle du péché originel selon laquelle les seuls effets de la chute d’Adam étaient l’introduction de la mort et l’imputation de la culpabilité du péché d’Adam à toute l’humanité. Il n’était pas question de la corruption de la nature humaine à la suite de la chute.33

En d’autres termes, ce qui était en cause à l’époque de la Réforme n’était pas l’imputation du péché d’Adam – les deux parties s’accordaient à dire qu’il y avait une telle imputation, bien qu’un développement détaillé de la doctrine n’ait pas été proposé – mais la corruption (totale) de l’homme. La culpabilité de l’homme en Adam et la corruption de l’homme étaient toutes deux des raisons de condamnation de l’homme dès sa naissance, bien que Rome (avec sa doctrine de régénération baptismale) ait enseigné des solutions très différentes au problème.

C’est ce qu’observe Charles Hodge,

Comme à l’époque de la Réformation, un parti influent de l’église romaine soutenait, après certains érudits, que le péché originel consistait uniquement dans l’imputation du premier péché d’Adam, et comme les Confessions des Réformateurs ont été conçues non seulement comme une exposition de la vérité, mais aussi comme une protestation contre les erreurs de l’église de Rome, on observera que les Protestants affirment fréquemment que le péché originel n’est pas seulement l’imputation du péché d’Adam mais aussi la corruption héréditaire de la nature ; et les théologiens Réformés ont souvent mis en avant cette dernière, car l’une a été admise par leurs adversaires, mais l’autre niée.34

Warfield écrit,

Il n’était pas rare (surtout après la ferme revendication de Dun Scot quant à la doctrine de « l’imputation immédiate ») que l’imputation du péché d’Adam soit exploitée précisément dans le but de nier ou d’affaiblir l’idée de dérivation de la corruption inhérente à Adam… Les Protestants… font constamment remarquer que la culpabilité originelle des hommes aux yeux de Dieu ne repose pas seulement sur l’imputation du premier péché d’Adam, mais aussi sur la corruption qu’ils dérivent de lui… Le caractère polémique donné à ces déclarations fut l’occasion d’une remarquable méprise, comme si elles avaient pour but de subordonner l’imputation de la transgression d’Adam à la transmission de sa nature corrompue comme source de la culpabilité humaine. Or, c’est précisément le contraire qui se produit. L’imputation de la transgression d’Adam n’a pas été contestée ; toutes les parties, lors grand débat de l’époque, l’ont pleinement reconnue ; et elle est donc traitée comme une évidence. Ce qui était important, c’était de faire comprendre que la dépravation de la nature était, avec elle, le fondement de notre culpabilité devant Dieu. Le but recherché était donc de maintenir l’équilibre et de faire justice à ces deux éléments dans une doctrine complète du péché originel.35

Il suffit donc de dire que les Réformateurs, y compris Calvin (vers qui nous reviendrons), ont enseigné que l’homme est coupable à la fois du péché d’Adam et de sa propre corruption inhérente qui l’a rendu totalement dépravé et incapable de faire quoi que ce soit de bien.

L’Église romaine moderne enseigne ce qui suit sur le péché originel :

Tous les hommes sont impliqués dans le péché d’Adam … [Adam] nous a transmis comme péché dont nous sommes tous nés affligés, un péché qui est la « mort de l’âme »… la transmission du péché originel est un mystère que nous ne pouvons pas comprendre pleinement… C’est un péché qui sera transmis par propagation à toute l’humanité, c’est-à-dire par la transmission d’une nature humaine privée de sainteté et de justice originelles. Et c’est pourquoi le péché originel n’est appelé « péché » que dans un sens anagogique : c’est un péché « contracté » et non « commis » – un état et non un acte… il n’a pas le caractère d’une faute personnelle chez aucun des descendants d’Adam. C’est une privation de la sainteté et de la justice originelles, mais la nature humaine n’a pas été totalement corrompue.36

Nous remarquons une absence de langage d’imputation (« impliqué » et « transmis » sont les termes de Rome) et une insistance sur le fait que l’homme n’est pas « totalement corrompu ». Ceci, bien sûr, correspond à la doctrine romaine de la justification, une justice infusée et non pas imputée.

Arminianisme et Socinianisme

Les Arminiens et les Sociniens ont rejeté l’imputation du péché d’Adam à sa postérité. Grenz écrit à propos d’Arminius qu’il « adoucit la vision apparemment dure de la théologie Réformée. Pour ce faire, Arminius a réaffirmé la position semi-pélagienne selon laquelle la progéniture d’Adam ne partage pas la culpabilité du péché de notre premier père ».37 Turretin cite Socin :

Bien que tous les hommes descendant d’Adam soient exposés à la mort perpétuelle, ce n’est pas parce que le péché d’Adam leur est imputé, mais parce qu’ils sont engendrés par celui qui a été voué à la mort éternelle par un décret divin. Et cela leur arrive non pas à cause de l’imputation du péché mais à cause de la propagation de la race.38

Ursinus attribue également au pélagianisme et à l’anabaptisme l’opinion selon laquelle « la postérité n’est pas coupable à la suite de la chute de nos premiers parents ».39

Réalisme

Le réaliste enseigne que notre nature humaine a péché en Adam et que nous, étant « en lui », avons, en quelque sorte, péché avec lui. Charles Hodge explique,

Selon cette théorie, l’humanité est numériquement une seule et même substance en Adam et dans tous les individus de sa race. Le péché d’Adam était donc le péché de toute l’humanité parce qu’il a été commis par la même substance rationnelle et volontaire qui nous constitue, nous les hommes, numériquement. C’était notre péché dans le même sens que c’était son péché parce que c’était notre acte (l’acte de notre raison et de notre volonté) autant que le sien.40

En d’autres termes, écrit Berkouwer, la culpabilité est un « co-péché réel et actuel » car les réalistes « veulent une imputation dans laquelle nous sommes tenus responsables de ce que nous faisons réellement ».41

Les problèmes avec le réalisme sont insurmontables. Seule une personne peut pécher, objecte Buswell.42 Hodge pose d’autres objections : Les descendants d’Adam ne peuvent pas réellement pécher avant d’exister ; le réalisme ne peut pas expliquer pourquoi notre nature humaine n’est pas coupable de tous les péchés d’Adam et, en plus, des péchés d’Eve.43 Buswell trouve dans le réalisme des difficultés insolubles liées à l’Incarnation du Christ : « Cette nature humaine dans sa totalité est devenue pécheresse en Adam. Quelle est donc la nature de l’humanité du Christ ? ».44

Ce n’est que si l’on maintient que tous les êtres humains nés par génération naturelle héritent d’une nature totalement dépravée en raison du péché d’Adam qui leur est imputé, que l’on peut comprendre comment le Christ, né d’une Vierge, peut être exempté de cette règle générale et être une personne à laquelle aucun péché n’a été imputé.

 

IV. Le Dogme Réformé du Péché Originel

Nous avons observé plus haut que l’Église romaine, contre laquelle Calvin et les autres Réformateurs se sont battus, minimisait la corruption originelle de l’homme tout en confessant l’imputation du péché d’Adam. Les réformés n’épousent pas la théorie du Réalisme mais enseignent le Fédéralisme, c’est-à-dire qu’Adam était la tête légale, fédérale ou représentative de toute l’humanité.

Le Fédéralisme est l’enseignement selon lequel Dieu a désigné Adam pour être notre représentant dans le Jardin. La culpabilité de son péché est imputée ou légalement mise sur notre compte, bien que nous n’ayons pas réellement pris le fruit défendu de nos propres mains et que nous ne l’ayons pas mangé avec notre propre bouche. Thornwell écrit : « Si Adam était notre représentant à tous, son acte était légalement et moralement le nôtre ».45 Norman Geisler, bien que non Réformé, a raison lorsqu’il décrit la situation avec Adam comme suit :

En tant que notre représentant légal, Adam a péché en notre nom et nous avons subi les conséquences pénales de son choix. En d’autres termes, Adam avait reçu, par Dieu, le pouvoir de représenter toute la race humaine, et lorsqu’il l’a exercé pour le mal, les conséquences de son péché ont été directement imputées à toute sa postérité.46

La doctrine du péché originel de Calvin n’est pas développée. William Cunningham écrit : « Les premiers Réformateurs n’ont pas longuement ou précisément spéculé sur les questions plus abstraites directement liées au sujet du péché originel ».47 Berkhof concède que « les idées d’Adam en tant que représentant de la race humaine et de l’imputation immédiate de sa culpabilité à ses descendants ne sont pas clairement exprimées dans leurs [les Réformateurs] œuvres.48 Pourtant, il qualifie la vision de De La Place de « quelque chose de nouveau dans la théologie Réformée ».49 C’est dans cet esprit que nous considérons l’enseignement de Calvin dans son commentaire sur l’épître aux Romains et dans son Institution de la Religion Chrétienne.

Concernant Romains 5:12, Calvin écrit contre ceux qui « veulent dire que nous sommes perdus de telle manière par le péché d’Adam, comme si nous périssions sans qu’il y eût aucune faute de notre côte, seulement parce que notre premier père en péchant nous aurait rendue redevables ».50 Calvin ne nie pas que nous sommes coupables du péché d’Adam, mais simplement que c’est le seul motif de notre culpabilité. Nous sommes coupables, écrit Calvin, à la fois du péché d’Adam et de nos propres péchés. L’interprétation que fait Calvin du verbe « péché » (à l’aoriste) dans Romains 5:12 n’est pas satisfaisante. Il l’interprète ainsi : « Or ce pécher dont il parle ici ne signifie rien d’autre sinon que nous sommes tous corrompu… Nous avons donc tous péché, en tant que nous sommes tous abreuvés d’une corruption naturelle et par conséquent iniques et pervers ».51 Pourtant, en même temps, Calvin nie que le péché dont il est question soit le « péché actuel », « Car pourquoi déduirait-il la comparaison d’Adam avec Christ, si chacun attirait sur soi condamnation par succession de temps ? Il s’ensuit donc qu’il parle ici d’une perversité engendrée avec nous ».52 Plus loin, Calvin enseigne que le péché imputé d’Adam n’est pas le seul motif de notre culpabilité et de notre condamnation devant Dieu : notre chair pécheresse héritée est également un motif :

Quand il dit que, par l’e forfait d’un seul, etc., entendons que c’est parce que de lui la corruption est découlée en nous. Car nous ne périssons pas tellement par la faute et le péché d’Adam, comme si nous étions hors de faute quant à nous; mais parce que son péché est la cause de notre péché, S. Paul lui attribue notre ruine et notre perdition. J’appelle nôtre le péché qui nous est naturel, et avec lequel nous naissons.53

Calvin écrit à nouveau, en soulignant le fait que ce n’est pas uniquement par le péché d’Adam (qui nous est imputé) que nous mourons,

Par le péché d’Adam, ce n’est point par imputation seulement, comme si on nous faisait porter la peine du péché d’autrui; mais nous portons sa peine, parce que nous aussi sommes coupables, en tant que notre nature, corrompue en lui, est trouvée devant Dieu coupable d’iniquité et enveloppée dans la condamnation.54

Calvin écrit également au verset 19 : « Car il montre aussi que la faute d’un seul homme nous a faits coupables de telle sorte que cependant, de notre côté, nous ne sommes pas innocents. Il avait dit auparavant que nous sommes condamnés; mais afin que personne ne présume de se dire innocent, il a voulu aussi ajouter que chacun est condamné, parce qu’il est pécheur. »55

Nous proposerons plus tard une exégèse de ce passage crucial, mais, à ce stade, il suffit de dire que l’exégèse de Calvin ne rend pas justice à l’aoriste du verset 12, au « seul » péché dont il est question tout au long du passage ou au parallèle entre Adam et Christ. L’éditeur des commentaires de Calvin écrit que Calvin « explique ceci d’une manière qui n’est pas tout à fait cohérente »56, ce à quoi Murray acquiesce. L’exégèse de Calvin, écrit-il, « est exégétiquement similaire à celle de Rome », et ajoute que « si la vision du péché originel de Calvin est tout à fait paulinienne et biblique, il n’a cependant pas réussi à analyser la pensée précise de l’apôtre dans ce passage »57. Martyn Lloyd-Jones est très critique vis-à-vis de la vision de Calvin. Bien qu’il n’offre aucune référence venant œuvres de Calvin, il écrit ce qui suit :

Il affirme que ‘tous ont péché’ signifie que tous ont péché dans le sens où tous sont pécheurs… Qu’en est-il de cette explication ? Je crains que nous devions dire que, malgré Jean Calvin, nous ne pouvons pas l’accepter ! Nous ne devons pas le transformer en pape.58

Jenkins le constate et le fait remarquer dans son apologie de De La Place,

Inhérent à cette évaluation franche, se trouve tacitement accepté que la désignation « calviniste » ne s’applique qu’à la méthode d’imputation décrite et préconisée par De La Place. Et on ne peut que se demander pourquoi si peu de personnes portant le nom de Calvin sont prêtes à accepter les implications de l’analyse du Dr Lloyd-Jones.59

Quelques remarques peuvent être faites en défense de Calvin : premièrement, Calvin a écrit ce commentaire en 1539 alors qu’il n’avait que trente ans ; et deuxièmement, Calvin n’a pas développé la doctrine de l’imputation du péché d’Adam parce que ce n’était pas un point contesté de son temps. Essayer de trouver chez Calvin une solution au débat imputation « médiate » contre l’imputation « immédiate » est anachronique. Il n’a jamais été confronté à cette question. Dans son Institution, il n’aborde pas non plus la question. Il dirige sa plume polémique contre les Pélagiens qui « prétendent » que « le péché d’Adam a été propagé par imitation. La grâce du Christ ne nous apporterait-elle qu’un exemple à suivre ? Comment supporter un tel blasphème ».60 Dans l’Institution, Calvin fait peu de cas de l’imputation du péché d’Adam à toute sa postérité. Au lieu de cela, Calvin se concentre sur la propagation d’une nature pécheresse. Il écrit,

Ainsi, l’expression ‘nous sommes morts en Adam’ signifie que celui-ci s’est non seulement détruit lui-même en péchant, mais que, ce faisant, il a attiré notre nature dans une perdition semblable. Sa faute ne lui est pas imputée à lui seul, sans nous atteindre; il a contaminé toute sa descendance à cause de la méchanceté à laquelle il a succombé.61

On ne sait pas très bien ce que Calvin entend par cette phrase. Veut-il dire que la culpabilité du péché d’Adam ne nous concerne pas et que nous ne sommes donc pas du tout coupables du péché d’Adam ? S’il le pense, nous ne pouvons pas être d’accord avec Calvin sur ce point.

Plus loin dans le même chapitre, dans son discours sur la transmission du péché originel, Calvin écrit : « Ie Seigneur avait mis en Adam les grâces et les dons qu’il voulait conférer à la nature humaine et donc, lorsque celui-ci les a perdus, il ne les a pas perdus pour lui seul, mais pour nous tous. ».62 Il écrit à nouveau, sans faire de distinction claire entre la culpabilité originelle et la pollution originelle, comme l’ont fait des auteurs ultérieurs :

En effet, dire que nous sommes sous le coup du jugement de Dieu à cause d’Adam ne signifie pas que nous soyons innocents, et que, sans avoir mérité la moindre peine, nous soyons victimes de son péché. En fait, à cause de sa transgression, nous sommes tous atteints de corruption et solidaires avec lui. Toutefois, nous ne devons pas comprendre qu’il nous a simplement rendus solidaires de la punition sans nous avoir communiqué son péché. Il nous a réellement transmis le péché qui réside en nous et pour lequel la peine est due.63

Calvin veut-il dire ici que nous sommes coupables à cause du péché d’Adam en plus du péché qui réside dans notre propre nature totalement dépravée ? « atteints de corruption et solidaires avec lui » n’est pas une description théologique précise, mais quoi qu’il veuille dire par là, laisse-t-il entendre que cela nous a rendus coupables avant que la « contagion » ne nous soit communiquée ? En outre, Calvin écrit que les enfants « portent leur condamnation avec eux » mais qu’« ils ne sont pas coupables de la faute d’autrui mais de la leur » et que leur nature est « considérée à juste titre comme un péché aux yeux de Dieu, car sans culpabilité il n’y aurait pas d’accusation ».64

Turretin écrit au sujet de Calvin,

Il ne mentionne pas l’imputation chaque fois qu’il parle du péché originel, soit parce qu’il n’est pas encore rentré dans la controverse, soit parce qu’il répond à Albert Pighius… il ne devait pas s’employer à prouver l’imputation (ce que même les adversaires reconnaissaient) mais seulement à affirmer la corruption inhérente.65

Il cite ensuite Calvin à plusieurs endroits, où Calvin enseigne que le motif pénal de notre naissance totalement dépravée est la faute préalable d’Adam : « Nous disons que Dieu, par un juste jugement, nous a maudits en Adam et a voulu que nous naissions corrompus à cause de son péché » ; « un seul a péché ; tous sont punis ; et ce n’est pas tout, mais par son péché tous ont contracté la contagion de sorte qu’ils naissent corrompus » ; « nous sommes exposés non seulement aux misères temporelles, mais à la mort éternelle, aussi pour [à moins que ce ne soit à cause de] la faute d’un seul homme, Dieu nous a précipité ensemble dans une culpabilité commune ».66

Dans ses réponses contre certaines calomnies concernant la doctrine de la providence, Calvin fait quelques déclarations qui sont pertinentes pour cette discussion. Par exemple, il écrit

À cause de la faute d’un seul homme, nous sommes tous inclus dans la culpabilité et le désert de la mort éternelle. Un seul homme a péché et nous sommes tous entraînés dans la punition. Et non seulement cela, mais par la pollution d’un seul, nous sommes tous entraînés dans la contagion et infectés par une maladie mortelle… La faute d’un seul homme aurait pu n’avoir aucun rapport avec nous, si notre Juge céleste ne s’était pas plu à nous consigner à la destruction éternelle pour ce motif.67

Il n’est donc pas surprenant que la corruption originelle, et non la culpabilité originelle, reçoive l’attention dans les Confessions Réformées parce que la dépravation totale, et non l’imputation du péché d’Adam, était débattue au moment où elles ont été élaborées. Herman Hoeksema écrit : « Le Catéchisme [de Heidelberg] met l’accent sur l’unité organique plutôt que sur la solidarité  juridique ou légale de la race humaine. La question de la culpabilité originelle n’est pas prise en compte et le fait de la corruption originelle est mis en avant ».68 Dans son commentaire sur le Catéchisme de Heidelberg, Ursinus définit le péché originel de deux manières : « Le péché originel est la culpabilité de toute la race humaine à cause de la chute de nos premiers parents » et il comprend « l’exposition à une condamnation éternelle à cause de la chute de nos premiers parents et une dépravation de toute notre nature depuis la chute »69.

On retrouve la même insistance dans les Canons de Dordrecht. Le texte original des Canons III/IV:2 se lit comme suit : « L’homme, après la chute, engendra des enfants à sa ressemblance. Une souche corrompue a produit une progéniture corrompue… par la propagation d’une nature vicieuse par le juste jugement de Dieu. » Ces derniers mots ont été omis dans les versions ultérieures. Homer Hoeksema considère qu’il s’agit d’une omission très grave. Il écrit,

[C’est ici] le seul endroit dans nos confessions où la ligne organique n’est pas exclusivement suivie pour définir la corruption de l’homme. Ici nous avons, au moins, une indication du motif juridique ou légal de la dépravation de la race ; et nous considérons comme une sérieuse erreur le fait que cette expression ait été omise dans notre version anglaise officielle.70

Heinrich Heppe cite Riissen et Heidegger (respectivement) comme représentants de la position Réformée historique :

Nous enseignons que le péché actuel d’Adam est en fait tellement imputé à tous ceux qui descendent de lui de manière ordinaire, qu’à ce titre tous sont considérés comme des criminels et, soit paient la peine, soit sont au moins considérés comme dignes du châtiment.71

Le péché d’Adam par lequel il a mangé le fruit de l’arbre interdit (et non le reste des péchés commis après la chute lorsqu’il ne jouait plus le rôle d’une personne publique) est imputé à tous ceux qui sont naturellement issus d’Adam pour qu’ils soient condamnés en raison de leur lien avec lui ; c’est-à-dire que, bien que le péché d’Adam n’ait pas été effectivement commis par eux, il leur est imputé, de sorte qu’à cause de lui ou en raison de lui, ils peuvent être tenus pour responsables et payer la peine ou au moins être considérés comme dignes de toute punition.72

 

V. Culpabilité Originelle et Corruption Originelle

La position de De La Place est que l’homme n’est coupable que parce qu’il est d’abord corrompu. « En d’autres termes », déclare Jenkins, « et c’est la clé qui permet de déverrouiller l’imputation médiate – notre dépravation naturelle précède notre culpabilité ».73 De La Place, écrit Jenkins, a rejeté « l’idée que, comme nous avons tous participé à la transgression d’Adam, notre culpabilité est établie avant toute implication dans le péché héréditaire ».74 Encore une fois, il écrit que la position de De La Place est que « nous sommes coupables à cause de nos propres péchés, et non pas parce que le péché d’Adam nous est imputé en plus de ces péchés ».75 De plus, De La Place affirme, « Mais si la culpabilité d’Adam est immédiatement imputée, alors notre condamnation repose évidemment sur autre chose que nos propres défauts et offenses : nous sommes punis pour autre chose que l’iniquité de notre propre nature ».76

Les tenants de la position de l’imputation immédiate (la position Réformée) est que la culpabilité initiale précède la corruption. En fait, nous sommes nés totalement dépravés en tant que punition. Évidemment, nous ne sommes pas nés dépravés en tant que punition pour notre dépravation, mais nous sommes nés dépravés en tant que punition pour notre culpabilité antérieure en Adam. Il doit en être ainsi. Dieu ne punit pas ceux qui ne sont pas coupables. H. C. Hoeksema écrit : « La corruption de la nature est une punition ; un aspect de la punition de la mort. Ce châtiment est dû à la culpabilité originelle. Mais la culpabilité originelle, il faut le rappeler, ne se propage pas : elle ne repose pas sur l’unité organique de la race. Elle est imputée ».77 On peut ajouter à celui-ci une foule de témoins. Garrett déclare : « Les descendants d’Adam sont nés avec une nature dépravée qui conduit toujours au péché et qui est pécheresse. Cette dépravation, cependant, est l’effet de l’imputation et non sa cause ».78 Bavinck est d’accord : « La pollution originelle est une punition de la culpabilité originelle ».79 Thornwell écrit : « Soit nous sommes coupables de cet acte, soit la corruption originelle en nous est simplement un malheur et non un péché. D’une manière ou d’une autre, elle nous est imputable, à juste titre, ou nous ne sommes pas et ne pouvons pas naître enfants de la colère. »80 Pink demande,

Pourquoi sommes-nous nés avec des cœurs corrompus ? C’est plus qu’une terrible calamité : c’est une atteinte pénale qui nous est infligée en raison de notre criminalité antérieure. La punition présuppose la culpabilité et le châtiment est donné à tous parce que tous sont coupables ; et puisque Dieu les déclare tous coupables, alors ils doivent participer à l’offense d’Adam.81

Les tenants de l’imputations médiate ont donc un problème. Comment pouvons-nous naître totalement dépravés, frappés d’une nature qui ne peut rien faire de bon et complètement détestables aux yeux de Dieu sans qu’aucune culpabilité préalable ne nous soit justement imputée ? L’imputation immédiate du péché d’Adam est la « cause pénale du début de l’existence [de l’homme] dans un état dépravé », écrit Hodge.82 Mais quelle explication les adeptes de De La Place peuvent-ils offrir ? Dabney écrit : « Soit l’homme a été mis à l’épreuve et est tombé en Adam, soit il a été condamné sans mise à l’épreuve. Il est soit sous la malédiction (comme elle repose sur lui depuis le début de son existence) de la culpabilité d’Adam ou pour aucune culpabilité du tout ».83 Pink présente les alternatives :

Qu’est-ce qui semble le plus conforme aux conceptions humaines de la justice – que nous dussions souffrir à cause d’Adam parce que nous étions légalement liés à lui et qu’il a agi en notre nom ; ou que nous dussions souffrir uniquement parce que nous tirons notre nature de lui par génération, bien que nous n’ayons eu aucune part ou aucun lien avec son péché ? Dans le premier cas, nous pouvons percevoir le motif sur lequel sa culpabilité est mise à notre compte ; mais dans le second, nous ne pouvons découvrir aucun motif ou cause qui nous fasse mériter une part quelconque des effets mortels du péché d’Adam. La seconde alternative signifie que nous sommes dépravés et malheureux sans raison suffisante, et dans ce cas, notre condition actuelle n’est qu’un malheur et en aucun cas un crime. Il ne faut pas non plus blâmer Dieu. Il a fait l’homme droit, mais l’homme a délibérément apostasié.84

De La Place et ses partisans modernes répondent qu’il n’est pas juste qu’Adam soit notre représentant légal sans notre « consentement ». « Selon le fédéraliste », se plaint Jenkins, « Adam est considéré comme le représentant de l’humanité par nomination souveraine. En tant que tel, son péché est directement et légalement mis sur le compte de toute sa postérité ».85 Tout au long de l’œuvre de Jenkins, la note est la même : mais nous n’avons pas consenti à ce qu’Adam soit notre représentant ! Quelques citations le démontrent : Le fédéralisme « suppose – sans la moindre preuve biblique – que l’humanité a approuvé la nomination d’Adam comme représentant de l’alliance : ou, comme le dirait De La Place, ‘Qui d’entre nous a jamais nommé Adam comme son Délégué ou son Commandant ? ».86 « Si la culpabilité d’un homme devait impliquer une communauté entière, ce serait en supposant que la communauté entière a consenti à la culpabilité : autrement, ce ne serait pas juste ».87 La « notion selon laquelle l’humanité a accepté de désigner Adam comme son représentant dans l’alliance » est, selon Jenkins, « extrascripturaire ».88 De La Place réitère qu’« Adam n’a jamais été proposé dans ce rôle représentatif et n’était pas en position de l’accepter ».89

En réponse à De La Place et Jenkins, nous insistons sur le fait que Dieu a souverainement désigné Adam comme la tête organique et légale de la race humaine. Dieu n’a pas demandé à Adam s’il souhaitait avoir une telle position : Il a créé Adam de cette façon pour son propre plaisir. Hoeksema écrit : « Si l’on cherche la raison de cette solidarité légale de la race, en fin de compte, cette raison se trouve dans le bon plaisir souverain de Dieu ».90 Gresham Machen écrit : « Adam était le représentant de toute l’humanité par désignation de Dieu. Nous ne pouvons pas suffisamment sonder les conseils divins pour dire exactement pourquoi Dieu a fait une telle désignation, mais nous pouvons voir qu’il y avait là quelque chose de très approprié ».91 Murray rejette l’argument du consentement comme étant « purement gratuit » et soutient qu’il « n’est pas valable d’insister sur le fait que le péché indirect ne peut être imputé que lorsqu’il y a un engagement volontaire à assumer une telle imputation. »92 Turretin écrit : « Il n’est pas nécessaire, pour qu’il y ait une juste imputation, que celui qui supporte la punition du péché d’autrui y consente actuellement ou y ait consenti à un moment donné ».93

Cette représentation était équitable. Nous n’aurions pas pu demander une meilleure représentation, en Eden, qu’Adam, tout juste sorti de la main de Dieu, créé à l’image de Dieu avec une véritable connaissance de Dieu, avec justice et sainteté. Il n’y avait aucune raison pour qu’Adam ne se tienne pas debout et que nous ne soyons pas en lui. Adam pouvait « par son vouloir accorder en tout au vouloir de Dieu » (Confession Belge 14). Le cœur d’Adam était « droit » et « toutes ses affections étaient pures et l’homme entier était saint » (Canons de Dordt III/IV:1). Pink fait taire les caprices des hommes récalcitrants :

Tout juste sorti des mains de son Créateur, sans hérédité pécheresse derrière lui et sans nature dépravée en lui, mais au contraire doué de sainteté et habité par l’Esprit de Dieu, Adam était bien équipé pour la position honorable qui lui était assignée. Son aptitude à nous servir de tête, et les circonstances idéales dans lesquelles l’épreuve décisive s’est déroulée, doivent à jamais empêcher toute personne honnête de s’opposer à l’a disposition divine et aux terribles conséquences que l’échec d’Adam a fait peser sur nous.94

 

VI. Une Étude Exégétique de Romains 5

Le locus classicus du péché originel se trouve sans aucun doute dans Romains, chapitre cinq. Berkouwer exprime son importance en ces termes : « Sans la moindre exagération, nous pouvons dire que toute l’histoire du dogme du péché originel est décisivement déterminée par la question de savoir ce que signifient ces mots en Romains 5:12b. »95 Une exégèse attentive de ce passage révèle que la vision de De La Place est intenable.

« Tous ont péché », et non « tous sont pécheurs »

Tout d’abord, nous devons noter l’utilisation de l’aoriste au verset 12 : « Car tous ont péché ». En grec, l’aoriste est utilisé pour décrire des actions « clichées » dans l’histoire. Martyn Lloyd-Jones l’explique ainsi : « L’Apôtre utilise ici l’aoriste, qui transmet l’idée d’un acte accompli une fois pour toutes dans l’histoire, d’un événement ou d’un fait historique, et non pas la description d’un état général ».96 L’Apôtre enseigne ici que nous sommes tous condamnés à mourir (la mort est transmise à tous les hommes) parce que nous avons tous péché. Le motif de notre condamnation n’est pas d’abord nos péchés actuels, car même les enfants meurent, qui n’ont commis aucun péché personnel. Le motif de notre condamnation est plutôt notre péché en Adam, ou le péché d’Adam en tant que notre représentant. L’enseignement de l’imputation médiate est que nous sommes tous condamnés à mourir parce que nous sommes tous pécheurs. Cependant, Paul n’écrit pas : « car tous sont pécheurs », mais « car tous ont péché ». Herman Hoeksema fait une remarque similaire : « Lorsque l’apôtre dit : ‘La mort est passée sur tous les hommes car tous ont péché’, il ne veut pas dire que tous répètent le péché d’Adam ».97 Lloyd-Jones explique : « Nous héritons, bien sûr, d’Adam une nature pécheresse ; cela ne fait aucun doute. Mais ce n’est pas ce qui nous condamne. Ce qui nous condamne et nous rend sujets à la mort est le fait que nous avons tous péché en Adam et que nous sommes tous jugés coupables de péché ».98

« Une Seule » Offense « d’un Seul » Homme

Deuxièmement, nous remarquons l’insistance de l’Apôtre sur la « seule offense » commise par « un seul homme » comme motif de notre condamnation. Paul souligne ce fait tout au long du passage : « par un seul homme le péché est entré » (5:12), « par l’offense d’un seul il en est beaucoup qui sont morts » (5:15), « celui qui a péché » (5:16), « par l’offense d’un seul la mort a régné » (5:17), « par l’offense d’un seul » (5:18) et « par la désobéissance d’un seul homme beaucoup sont devenus pécheurs » (5:19). Le seul homme est Adam. L’accent est mis sur ce qu’Adam a fait en tant que tête représentative de la race humaine. Si le motif de notre condamnation n’est pas le seul péché d’Adam qui nous est imputé mais notre propre nature dépravée, l’apôtre n’aurait jamais utilisé le mot « un seul ». Notre nature dépravée n’est pas « un seul » péché mais plusieurs péchés. Notre nature déchue est un cloaque d’iniquité. Comme Calvin le dit dans l’Institution

L’homme a une intelligence si totalement étrangère à la justice de Dieu qu’il ne peut rien imaginer, concevoir ou comprendre que ce qui est méchant, inique et corrompu. Son cœur est même si atteint par le péché qu’il ne peut accomplir que des actes pervers.99

Anthony Hoekema soutient que,

Rien dans le passage clé sur lequel se fonde la doctrine de l’imputation de la culpabilité d’Adam (Rom. 5:12-21) n’indique que l’imputation de la culpabilité du péché d’Adam se fait par le biais de notre corruption. Dans les versets 16 et 18, Paul déclare clairement que la condamnation nous est venue à cause de l’unique faute d’Adam ; ainsi, dire que cette condamnation était fondée sur la dépravation pécheresse dans laquelle nous sommes nés, c’est introduire dans le texte un élément qui n’y est pas.100

Beaucoup « Rendus » Pécheurs

Le verset 19 déclare que par la désobéissance d’un homme, beaucoup sont « rendus » pécheurs. Ce langage est légal. Le verbe « rendre » dans le texte ne signifie pas « faire devenir », mais « constituer ». Lloyd-Jones explique la signification de cette expression de cette façon : « Le mot traduit ‘rendu’ est beaucoup plus fort que ne le suggère notre mot anglais. Il signifie ‘mettre au rang de’ ou ‘placer dans la catégorie de’ ou ‘appointer à une classe particulière’ ».101 Il ajoute : « Je dois dire à nouveau que Paul n’affirme pas que nous avons été constitués ‘pécheurs’ [dans le sens d’hériter une nature pécheresse ; « sinful » en anglais] ».102 Nous citons à nouveau Lloyd-Jones : « Paul ne dit pas que le seul péché d’Adam a pour effet de nous amener à suivre l’exemple d’Adam et à pécher nous-mêmes, et à nous condamner ainsi ».103 « Il ne dit pas non plus qu’en raison de ce seul péché d’Adam, nous avons tous hérité d’Adam une nature pécheresse et que, de ce fait, Dieu nous condamne ».104 « Ce que l’apôtre dit, c’est qu’en raison de ce seul péché d’Adam, tous les Hommes sont traités comme pécheurs [sinners]».105

Pink est d’accord,

Le mot grec pour « rendu » (kathistemi) ne signifie jamais effectuer un changement dans une personne ou une chose mais signifie « ordonner, désigner », « constituer » légalement ou officiellement… Notez bien qu’il n’est pas dit ici que la désobéissance d’Adam nous rend impurs. Paul remonte plus loin dans le temps et explique pourquoi nous sommes d’abord constitués pécheurs par imputation.106

John Gill explique,

Le sens de la phrase « rendus pécheurs par la désobéissance d’un homme » n’est pas non plus que la postérité d’Adam tire de lui, par son péché, une nature corrompue ; c’est bien une vérité, mais pas la vérité de ce passage… Il y a une différence entre être « rendus » pécheurs et « devenir » pécheur, l’un a à voir avec la culpabilité, l’autre avec la pollution de la nature : l’un est antérieur à l’autre et en est le fondement ; les hommes reçoivent une nature corrompue de leurs parents naturels, mais ils ne sont pas rendus pécheurs par un ou plusieurs actes de désobéissance.107

Robert Haldane écrit,

Il est essentiel d’observer que lorsqu’il est dit ici que par la désobéissance d’un seul homme beaucoup ont été rendus pécheurs, il n’y a aucune référence à l’acte du péché, ni à notre propension à le commettre du fait de notre corruption innée. La référence est exclusivement à sa culpabilité… Paul ne signifie pas que par la désobéissance d’un seul homme, beaucoup ont été rendus dépravés et esclaves de l’acte du péché, mais qu’ils sont devenus coupables de péché… le terme de pécheurs ne fait aucunement référence à la pollution, à l’acte intérieur ou actuel du péché, ou à la transmission d’une nature corrompue.108

C’est une distinction importante. De La Place minimise la représentativité légale d’Adam, mais le langage de Paul dans Romains, précisément parce qu’il traite l’imputation du péché d’Adam d’une part et l’imputation de la justice du Christ d’autre part, est légal. De La Place, écrit Jenkins, « est inflexible dans sa détermination à regarder au-delà de notre statut légal » et se distingue de ceux dont le souci est « toujours d’accentuer notre relation légal avec Adam, et non notre relation naturelle ».109 Dans ce cas, De La Place milite contre l’Apôtre, qui souligne notre relation légale avec Adam et avec Christ. Adam est à la fois notre tête naturelle ou organique et notre tête légale ou représentative. Dans Romains 5, cependant, c’est la représentativité légale d’Adam, et non la relation organique, qui est au premier plan.

Adam : la « Figure » de Celui qui Devait Venir

Le mot traduit « figure » dans Romains 5:14 est « type ». Pink s’interroge devant la convenance de ce mot pour décrire la relation entre Adam et le Christ : à bien des égards, Adam et le Christ sont exactement opposés :

C’est vraiment une affirmation étonnante. Le fait de se trouver dans un tel cadre est vraiment étonnant et devrait immédiatement retenir notre attention. Avec quelle exactitude et quelle pertinence pourrait-on dire que le père de notre race déchue a préfiguré le Seigneur Jésus ? Adam, lorsqu’il a été tenté, a cédé et a été vaincu ; le Christ, lorsqu’il a été tenté, a résisté et a vaincu. Le premier était maudit par Dieu, le second lui appartenait en tant que Celui en qui il avait pris son bon plaisir. L’un est la source du péché et de la corruption pour toute sa postérité, mais l’autre est une source de sainteté pour tout son peuple. Par Adam vient la condamnation, par le Christ vient le salut. Ainsi, ils sont aussi éloignés l’un de l’autre que les pôles eux-mêmes. En quoi, donc, Adam était-il une « figure » du Rédempteur à venir?110

Le fait qu’Adam était un type de Christ signifie que, dans un certain sens, Adam était comme Jésus-Christ. Pour comprendre Romains 5, nous devons identifier exactement en quoi consiste cette ressemblance. Adam et le Christ sont tous deux les têtes de leurs peuples respectifs : Adam de toute la race humaine et le Christ de son Église élue. Mais, s’il est vrai qu’Adam est le chef organique de la race humaine, il n’en va pas de même pour le Christ. Il n’y a qu’une seule façon dont la représentativité d’Adam est type de celle du Christ. Il s’agit de deux tête légales, fédérales ou représentatives. Nous voyons à nouveau que la minimisation par De La Place du rôle d’Adam comme tête fédérale l’éloigne de la véritable signification de Romains 5. Pink explique ainsi le type :

Le contexte entier montre clairement que c’est dans la position officielle qu’il occupait qu’Adam était un type du Seigneur Jésus – en tant que tête fédérale et représentant légal des autres. Si nous lisons attentivement Romains 5:12-19, nous constatons que le fait qui y est le plus mis en évidence est celui d’agir au nom de plusieurs, celui qui d’affecter le destin de plusieurs. Ce que l’un a fait est devenu le fondement pénal de ce qui arrive à plusieurs.111

Herman Hoeksema écrit : « Adam était une figure du Christ. Tous deux étaient les représentants légaux d’une entité corporative. En ce sens, Adam était une figure du Christ ».112 Haldane est du même avis,

La ressemblance en raison de laquelle Adam est considéré comme le type du Christ consiste en ceci, qu’Adam a communiqué à ceux qu’il représentait ce qui lui appartenait et que le Christ a également communiqué à ceux qu’il représente ce qui lui appartenait.113

Rappelez-vous le thème et le but de l’épître aux Romains. Paul expose la grande doctrine de la justification par la justice imputée de Jésus-Christ reçue par la foi seule. Cela explique pourquoi, au milieu du chapitre cinq, Paul aborde le thème de la chute d’Adam, plusieurs chapitres après avoir longuement expliqué la dépravation totale de l’homme. Comment Romains 5 aide-t-il à élucider la vérité de la miséricordieuse justification que Paul expose dans l’Épître ? Pink l’explique,

Il montre ici qu’Adam était une « figure » du Christ (5:14), que l’un entretenait avec sa race une relation analogue à celle de l’autre avec sa semence, que chacun agissait pour plusieurs, et que par conséquent le principe évangélique de l’imputation (la justice du Christ mise au compte du croyant) n’est pas une nouveauté, mais il est identique à celui par lequel Dieu a agi depuis le commencement.114

Comme… De Même

Il est d’une importance vitale pour une bonne compréhension de Romains 5 de voir non seulement la typologie mais aussi le parallèle exact établi entre Adam et le Christ. À plusieurs reprises, l’apôtre inspiré emploie des expressions telles que « comme par un seul homme » (5:12), « comme par l’offense d’un seul » (5:18), « de même par la justice d’un seul » (5:18) ; « comme par la désobéissance d’un seul » (5:19), « de même par l’obéissance d’un seul » (5:19) ; « comme le péché a régné par la mort » (5:21) et « de même la grâce régnât par la justice » (5:21). Si nous interprétons mal les moyens par lesquels nous devenons coupables du péché d’Adam, nous serons également susceptibles de mal interpréter les moyens par lesquels nous devenons justes en Christ. L’imputation du péché d’Adam et l’imputation de la justice du Christ sont étroitement liées dans cette partie de l’Écriture.

De nombreux théologiens soulignent à juste titre l’importance d’une interprétation correcte de ce parallèle. Lloyd-Jones résume ainsi l’enseignement de tout le chapitre :

C’est ici le parallèle. D’une part, le péché d’Adam nous est imputé ; d’autre part, la justice du Christ nous est imputée. Mais vous devez maintenir le parallèle.115

De même que nous avons été constitués pécheurs à cause du seul péché d’Adam et en dehors de toute action de notre part, de même nous sommes constitués des personnes justes entièrement et uniquement à cause de l’obéissance du Christ.116

Pink écrit,

Le fait que « tous ont péché » ne puisse signifier toutes leurs transgressions personnelles est clair, car le dessein manifeste de Romains 5:12 est de montrer que le péché d’Adam est la cause de la mort ; parce que la mort physique (une partie du salaire du péché) est beaucoup plus étendue que la transgression personnelle – comme il apparaît de tant de morts dans l’enfance – et parce qu’une telle interprétation détruirait l’analogie entre Adam et Celui dont il était une « figure » et conduirait à cette comparaison : comme les hommes meurent parce qu’ils pèchent personnellement, ainsi tous gagnent la vie éternelle parce qu’ils sont personnellement justes ! Il est tout aussi évident que « tous ont péché » ne peut signifier que la mort s’abat sur tous les hommes parce qu’ils sont dépravés, car cela aussi entrerait en conflit avec la portée de tout le passage. Si notre péché subjectif est le motif de notre condamnation, alors notre sainteté subjective (et non les mérites du Christ) est le motif de notre justification. Cela contredirait également l’affirmation emphatique du verset 18 : « par une seule offense la condamnation a atteint tous les hommes ». Nous sommes donc obligés de comprendre le « tous ont péché » du verset 12 comme signifiant tous les péchés en Adam.117

Charles Hodge nous informe que c’est le consensus parmi les théologiens :

Tous les théologiens, Réformés et Luthériens, admettent que dans l’imputation du péché d’Adam à nos personnes, de nos péchés au Christ et de la justice du Christ aux croyants, la nature de l’imputation est la même, de sorte que le premier cas illustre les autres.118

Le parallèle est détruit, la doctrine et l’argument de l’apôtre sont renversés, si l’on nie que le péché d’Adam, en tant qu’antécédent à tout péché ou à toute nature pécheresse, est le motif de notre condamnation.119

Turretin est d’accord : « En Christ, nous sommes constitués justes par l’imputation de la justice du Christ ; nous sommes donc devenus pécheurs en Adam par l’imputation de son péché ; sinon la comparaison est détruite ».120

Haldane écrit,

Ici, donc, ces deux doctrines de l’imputation du péché et de la justice, qui sont enseignées dans toute l’Écriture, sont exposées d’une manière si claire que, sans s’opposer au sens évident des mots, elles ne peuvent être contestées. Il est impossible de concevoir comment les hommes pourraient être rendus pécheurs par la désobéissance d’Adam ou justes par l’obéissance de Jésus-Christ à quelque degré que ce soit si la vérité de la doctrine de l’imputation du péché du premier et de la justice du second n’est pas admise.121

 

VII. Conclusion

Nous avons noté le parallèle important entre Adam et le Christ en Romains 5. Nous examinons maintenant ce que nous avons soutenu dans l’introduction, à savoir que la position de De La Place met en péril la doctrine de la justification par la foi seule.

De La Place et Amyraut ont été fortement influencés par John Cameron qui a rejeté l’idée que la justification inclut « l’imputation de l’obéissance active du Christ ».122 Cameron a rejeté « l’interprétation alors courante de la justification » parce que « l’imputation de la justice du Christ peut sembler ne laisser aucune condition pour que le peuple remplisse sa part dans l’alliance. »123 De plus, Cameron a enseigné que l’alliance « universelle » de la grâce, au service de laquelle Amyraut développa son hérésie d’une expiation hypothétiquement universelle et De La Place son hérésie de l’imputation médiate du péché d’Adam, offre une grâce suffisante pour le salut de tous les hommes « par la révélation naturelle » à la condition de la foi.124 Les théologiens de Saumur ont enseigné « une double volonté de Dieu et une disposition universelle de la grâce pour toute l’humanité : l’amour du Christ mourant est disponible et applicable à tous ».125 Selon Josué De La Place, écrit Jenkins, l’Evangile nous libère de deux accusations :

Premièrement, il est objecté que nous sommes des pécheurs, c’est-à-dire coupables de violer la condition qui a été imposée dans l’alliance légale. Ensuite, il est objecté que nous sommes des incrédules, c’est-à-dire que nous n’avons pas rempli la condition de l’alliance de grâce, à savoir la foi. De la première accusation, nous ne sommes justifiés que par la foi, par laquelle nous embrassons la grâce et la justice du Christ. De la seconde, nous sommes aussi justifiés par les œuvres, puisque la foi est manifestée par elles.126

Ainsi, nous sommes justifiés par la foi et les œuvres!

La « justice » que le croyant embrasse, selon ce schéma, n’inclut pas l’obéissance active du Christ. Les œuvres auxquelles De La Place fait référence sont :

Un déversement inconscient de la foi qui sauve : des œuvres qui déplorent les buts d’une volonté égoïste et témoignent d’une lutte sans fin contre le péché. Mais pourquoi lutter si Son [Christ] obéissance active est la nôtre?127

Il n’est pas surprenant de constater que De La Place et ses disciples modernes nient que l’obéissance active du Christ soit imputée au croyant dans la justification. En brouillant le parallèle entre Adam et Christ en Romains 5, ils se sont ouverts à cette position.

De son temps, Turretin observait que,

Il n’y a pas un des hérétiques niant l’imputation du péché qui ne se soit pas, pour la même raison, opposé à l’imputation de la justice du Christ (comme on le voit chez les Pélagiens, les Sociniens et les Arminiens). Par conséquent, les raisons pour lesquelles on s’oppose à l’imputation du péché d’Adam ne peuvent pas moins être retournées contre l’imputation de la justice du Christ ; celles sur lesquelles l’imputation de la justice du Christ est construite servent également à établir l’imputation du péché d’Adam.128

Cette négation de l’obéissance active du Christ est une théorie chère à la Vision Fédérale. Il n’est donc pas étonnant que Jenkins cite Norman Shepherd avec approbation.129 La justification de la Vision fédérale, le « point de vue de l’imputation unique », n’est qu’une demi-justification et donc aucune justification du tout. En tant que pécheur selon la loi de Dieu, il y a deux exigences que je dois remplir : je dois payer la peine pour avoir transgressé la loi ; et je dois rendre une obéissance parfaite à la loi de Dieu. Le Christ a miséricordieusement assumé ces deux obligations : Il a payé la peine que méritait mes péchés et Il a accompli les exigences de la loi de Dieu en obéissant à ma place. Si l’obéissance active du Christ ne m’est pas imputée comme partie de ma justification, les exigences de la loi n’ont pas été satisfaites et je ne peux pas être sauvé. Par conséquent, l’affirmation de Jenkins selon laquelle « ce sont les souffrances et la mort du Christ sur la croix qui nous sont imputées, et non son obéissance perpétuelle à la loi de Dieu » est une grave erreur.130 Dans un effort visant à louer la position de l’imputation unique, Jenkins méprise la double imputation. Il accuse les orthodoxes de conclure que « la mort du Christ n’était pas suffisante pour notre justification » et les accuse d’être « réticents à reconnaître la perfection du sacrifice du Christ »131, alors que « l’Académie de Saumur était [si] scrupuleuse dans son refus de compromettre l’obéissance passive du Christ ».132

Dans un article intitulé « Justification : la perspective Calvin-Saumur », Alan Clifford, le leader de l’Association Amyraldienne en Grande-Bretagne, ose affirmer que c’était également la position de Calvin. « Concernant l’imputation, Amyraut – comme Calvin – n’a enseigné que l’imputation de l’obéissance passive du Christ ».133 L’obéissance du Christ à la loi de Dieu – ses trente-trois années de parfaite soumission à Dieu – est « pour l’imitation plutôt que l’imputation ».134 Clifford prétend même que le Catéchisme de Heidelberg enseignait à l’origine la position d’imputation unique mais qu’il a été modifié entre la première et la deuxième impression « sans le consentement des auteurs ».135 Citant le commentaire d’Ursinus (« La justification évangélique est… l’imputation et l’application de cette justice que le Christ a forgé pour nous par sa mort sur la croix et par sa résurrection d’entre les morts »136), Clifford conclut qu’Ursinus n’a enseigné que la position de l’imputation unique dans la justification.137 Cependant, une page plus tôt, Ursinus a clairement indiqué que l’obéissance active du Christ doit être incluse : « La justice évangélique est l’accomplissement de la loi, accomplie non pas par nous, mais par un autre à notre place, et que Dieu nous impute par la foi »138 :

Toute l’humiliation du Christ, depuis sa conception jusqu’à sa glorification, y compris son assomption de l’humanité, sa soumission à la loi, sa pauvreté, ses outrages, sa faiblesse, ses souffrances, sa mort… tout cela est inclus dans la satisfaction qu’il a faite pour nous et dans la justice que Dieu nous impute miséricordieusement, à nous et à tous les croyants. Cette satisfaction équivaut à l’accomplissement de la loi, ou à l’endurance du châtiment éternel pour le péché, à l’un et l’autre, auxquels la loi nous oblige tous.139

Clifford tente également de prouver qu’Olevianus, le co-auteur du Catéchisme de Heidelberg, a enseigné le point de vue de l’imputation unique. Il le fait sans succès parce qu’Olevianus écrit : « Le Christ a accompli une telle obéissance pour nous tout au long de sa vie, et depuis le moment de sa conception jusqu’à la dernière goutte de son sang, il a porté la colère de Dieu pour nous qui croyons et avons confiance en lui ».140

L’affirmation de Clifford selon laquelle Calvin a nié l’imputation de l’obéissance active du Christ est habilement réfutée par Turretin qui cite Calvin comme suit :

Ailleurs, il [c’est-à-dire Paul] étend la cause du pardon, qui nous délivre de la malédiction de la loi, à toute la vie du Christ… Depuis que [le Christ] a pris la forme d’un serviteur, il a commencé à payer le prix de la libération afin de nous racheter. Néanmoins, afin que l’Ecriture puisse définir plus précisément le mode de salut, elle l’attribue comme étant particulier et propre à la mort du Christ… Et pourtant… le reste de son obéissance qu’il a accomplie durant sa vie n’est pas exclue, car Paul comprend l’ensemble depuis le début jusqu’à la fin de sa vie.141

La justification, comme l’ont enseigné les auteurs du Catéchisme de Heidelberg et Calvin, est l’imputation de l’obéissance active et passive du Christ. Le Christ satisfait ainsi à la double exigence de la loi contre le pécheur élu.

L’imputation médiate doit être rejetée parce que (1) elle est une dangereuse atteinte à la vérité de notre culpabilité originelle en Adam et, par conséquent, à la justification en Christ ; (2) elle n’est pas la position Réformée historique mais une nouveauté inventée pour sauver De La Place de la censure ecclésiastique ; et (3) elle est exégétiquement intenable. Que les croyants Réformés se méfient des vents étrangers de doctrine qui soufflent encore depuis l’Académie de Saumur !

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Endnotes

1 Frans Pieter van Stam, The Controversy over the Theology of Saumur, 1635-1650, Disrupting Debates Among the Huguenots in Complicated Circumstances (Amsterdam and Maarssen: APA-Holland University Press, 1988), p. 16.
2 David Llewellyn Jenkins, Saumur Redux: Josué De La Place and the Question of Adam’s Sin (Harleston, Norfolk, England: Leaping Cat Press, 2008), pp. 11-12.
3 Jenkins, Saumur Redux, p. 27.
4 James Oliver Buswell, A Systematic Theology of the Christian Religion (Grand Rapids, MI: Zondervan, repr. 1975), p. 298.
5 James Leo Garrett, Systematic Theology, Biblical, Historical and Evangelical, vol. 1 (Grand Rapids, MI: Eerdmans, repr. 1996), p. 488.
6 Robert L. Dabney, Lectures in Systematic Theology (Grand Rapids, MI: Zondervan, repr. 1972), p. 340.
7 Stanley J. Grenz, Theology for the Community of God (Grand Rapids, MI: Eerdmans, 2000), p. 201; italics mine.
8 Grenz, Theology, p. 201.
9 Quoted in Brian G. Armstrong, Calvin and the Amyraut Heresy: Protestant Scholasticism and Humanism in Seventeenth Century France (Madison, Milwaukee, and London: University of Wisconsin Press, 1969), pp. 104-105.
10 Armstrong, Amyraut Heresy, p. 105.
11 Van Stam, Controversy, p. 210.
12 Jenkins, Saumur Redux, pp. 14-15.
13 Jenkins, Saumur Redux, p. 15; italics Jenkins’.
14 John Murray, The Imputation of Adam’s Sin (Philipsburg, NJ: Presbyterian and Reformed, 1959), pp. 42-43.
15 Dabney, Lectures, p. 340.
16 Francis Turretin, Institutes of Elenctic Theology, vol. 1 (Phillipsburg, NJ: Presbyterian and Reformed, 1992), p. 615.
17 Jenkins, Saumur Redux, p. 14.
18 Quoted in A. A. Hodge, Outlines in Theology (London, England: Banner, repr. 1972), pp. 658-659; italics Hodge’s.
19 Robert Haldane, An Exposition of the Epistle to the Romans (McClean, VA: MacDonald Publishing Company, 1958), p. 232.
20 Jenkins, Saumur Redux, p. 22.
21 Jenkins, Saumur Redux, p. 22.
22 Jenkins, Saumur Redux, p. 22.
23 Jenkins, Saumur Redux, p. 21.
24 B. B. Warfield, Biblical and Theological Studies (Philadelphia, PA: Presbyterian and Reformed, 1952), p. 264.
25 Philip Schaff, The Creeds of Christendom, vol. 2 (Grand Rapids, MI: Baker Books, repr. 2007), p. 84.
26 Schaff, Creeds, vol. 2, p. 85.
27 Schaff, Creeds, vol. 2, p. 85.
28 Schaff, Creeds, vol. 2, p. 87.
29 Schaff, Creeds, vol. 2, p. 88.
30 Schaff, Creeds, vol. 2, p. 80.
31 Murray, Imputation, pp. 13-14.
32 Hodge, Outlines, p. 357; italics mine.
33 John Calvin, The Bondage and Liberation of the Will: A Defense of the Orthodox Doctrine of Human Choice Against Pighius, ed. A. N. S. Lane, trans. G. I. Davies (Grand Rapids, MI: Baker, 1996), p. xvii.
34 Charles Hodge, Systematic Theology, vol. 2 (Peabody, MA: Hendrickson Publishers [4th printing], 2008), p. 194; italics mine.
35 Warfield, Biblical and Theological Studies, pp. 264-265.
36 Catechism of the Catholic Church (Allen, TX: Thomas More of Tabor Publishing, 1994), paragraphs 402-405, pp. 101-102.
37 Grenz, Theology, p. 200.
38 Turretin, Institutes, vol. 1, p. 614.
39 Zacharias Ursinus, Commentary on the Heidelberg Catechism (Philipsburg, NJ: Presbyterian and Reformed, repr. 1852), p. 39.
40 Hodge, Systematic Theology, vol. 2, p. 221.
41 G. C. Berkouwer, Studies in Dogmatics: Sin (Grand Rapids, MI: Eerdmans, 1971), pp. 439, 447.
42 Buswell, Systematic Theology, p. 303.
43 Hodge, Systematic Theology, vol. 2, p. 224.
44 Buswell, Systematic Theology, p. 303.
45 James Henley Thornwell, Collected Writings, vol. 1 (Edinburgh, Scotland: Banner, 1974), p. 345.
46 Norman Geisler, Systematic Theology, vol. 3 (Minneapolis, MN: Bethany House, 2004), p. 124. Geisler is an Arminian and in fact teaches the error that Christ, the Second Adam “revoked what Adam did, making every human being legally and potentially savable” (p. 125).
47 William Cunningham, Historical Theology, vol. 1 (London, England: Banner, repr. 1969), p. 500.
48 Louis Berkhof, Systematic Theology (Edinburgh, Scotland: Banner, repr. 2003), p. 238.
49 Berkhof, Systematic Theology, p. 239.
50 John Calvin, Commentary on Romans (Grand Rapids, MI: Eerdmans, 1959), p. 200.
51 Calvin, Romans, pp. 200-201.
52 Calvin, Romans, p. 201.
53 Calvin, Romans, p. 207.
54 Calvin, Romans, p. 210; italics mine.
55 Calvin, Romans, p. 212.
56 Calvin, Romans, p. 202.
57 Murray, Imputation, p. 18.
58 Martyn Lloyd-Jones, Romans: An Exposition of Chapter Five: Assurance (Grand Rapids, MI: Zondervan, repr. 1977), p. 205.
59 Jenkins, Saumur Redux, p. 28.
60 John Calvin, Institutes of the Christian Religion, ed. John T. McNeill, trans. Ford Lewis Battles. (USA & GB: The Westminster Press and S. C. M. Press, 1960), 2.1.6, p. 248.
61 Calvin, Institutes, 2I.1.6, p. 249; italics mine.
62 Calvin, Institutes, 2.1.7, p. 250.
63 Calvin, Institutes, 2.1.8, p. 251; italics mine.
64 Calvin, Institutes, 2.1.8, p. 251.
65 Turretin, Institutes, vol. 1, p. 627.
66 Turretin, Institutes, vol. 1, p. 627; italics mine.
67 John Calvin, Calvin’s Calvinism (Grand Rapids, MI: RFPA, 1979), p. 269.
68 Herman Hoeksema, The Triple Knowledge: An Exposition of the Heidelberg Catechism, vol. 1 (Grand Rapids, MI: RFPA, repr. 1990), p. 141.
69 Ursinus, Commentary on the Heidelberg Catechism, p. 39.
70 Homer C. Hoeksema, Voice of Our Fathers: An Exposition of the Canons of Dordrecht (Grand Rapids, MI: RFPA, 1980), p. 441.
71 Heinrich Heppe, Reformed Dogmatics (Eugene, OR: Wipf & Stock, 2007), p. 332.
72 Heppe, Reformed Dogmatics, p. 333.
73 Jenkins, Saumur Redux, p. 27; italics Jenkins’.
74 Jenkins, Saumur Redux, p. 29.
75 Jenkins, Saumur Redux, p. 34; italics Jenkins’.
76 Jenkins, Saumur Redux, p. 45; italics Jenkins’.
77 Hoeksema, Voice, p. 445.
78 Garrett, Systematic Theology, vol. 1, p. 488.
79 Herman Bavinck, Reformed Dogmatics, vol. 3 (Grand Rapids, MI: Baker Academic, 2003), p. 108.
80 Thornwell, Collected Writings, vol. 1, p. 343.
81 Pink, The Doctrine of Human Depravity, pp. 49-50.
82 Hodge, Outlines, p. 359.
83 Dabney, Lectures, p. 331.
84 Arthur W. Pink, The Doctrine of Human Depravity (Lafayette, IN: Sovereign Grace Publishers Inc., 2001), p. 84.
85 Jenkins, Saumur Redux, p. 26.
86 Jenkins, Saumur Redux, p. 29.
87 Jenkins, Saumur Redux, p. 34.
88 Jenkins, Saumur Redux, p. 48.
89 Jenkins, Saumur Redux, p. 56.
90 Hoeksema, Voice, p. 446.
91 J. Gresham Machen, The Christian View of Man (Edinburgh, Scotland: Banner, repr. 1984), p. 213.
92 Murray, Imputation, p. 36.
93 Turretin, Institutes, vol. I, p. 616.
94 Arthur W. Pink, The Doctrine of Human Depravity (Lafayette, IN: Sovereign Grace Publishers Inc., 2001), pp. 44-45.
95 Berkouwer, Sin, p. 491.
96 Lloyd-Jones, Romans 5, p. 199.
97 Herman Hoeksema, Righteous by Faith Alone: A Devotional Commentary on Romans (Grand Rapids, MI: RFPA, 2002), p. 221.
98 Lloyd-Jones, Romans 5, p. 210.
99 Calvin, Institutes, 2.5.19, p. 340.
100 Anthony A. Hoekema, Created in God’s Image (Grand Rapids, MI: Eerdmans, repr. 1994), p. 157.
101 Lloyd-Jones, Romans 5, p. 271.
102 Lloyd-Jones, Romans 5, p. 209.
103 Lloyd-Jones, Romans 5, p. 255.
104 Lloyd-Jones, Romans 5, p. 255.
105 Lloyd-Jones, Romans 5, p. 270; italics mine.
106 Pink, The Doctrine of Human Depravity, pp. 56-57.
107 John Gill, A Complete Body of Doctrinal and Practical Divinity or a System of Evangelical Truths Deduced from the Sacred Scriptures (Paris, AK: The Baptist Standard Bearer, Inc., repr. 1995), p. 327.
108 Haldane, Romans, pp. 220-221; italics mine.
109 Jenkins, Saumur Redux, p. 33.
110 Arthur W. Pink, The Doctrine of Human Depravity, pp. 38-39.
111 Arthur W. Pink, The Doctrine of Human Depravity, pp. 39.
112 Hoeksema, Righteous, p. 230.
113 Haldane, Romans, p. 212.
114 Arthur W. Pink, The Doctrine of Human Depravity, pp. 47-48; italics mine.
115 Lloyd-Jones, Romans 5, p. 210.
116 Lloyd-Jones, Romans 5, p. 276.
117 Arthur W. Pink, The Doctrine of Human Depravity, p. 50.
118 Hodge, Systematic Theology, vol. 2, p. 194.
119 Hodge, Systematic Theology, vol. 2, pp. 212-213.
120 Turretin, Institutes, vol. 1, p. 618.
121 Haldane, Romans, p. 220.
122 Jenkins, Saumur Redux, p. 51.
123 Jenkins, Saumur Redux, pp. 51-52.
124 Jenkins, Saumur Redux, p. 52.
125 Jenkins, Saumur Redux, p. 21.
126 Jenkins, Saumur Redux, p. 52.
127 Jenkins, Saumur Redux, p. 52.
128 Turretin, Institutes, vol. 1, p. 623.
129 Jenkins, Saumur Redux, p. 52.
130 Jenkins, Saumur Redux, p. 53.
131 Jenkins, Saumur Redux, pp. 53, 54.
132 Jenkins, Saumur Redux, p. 53.
133 Alan C. Clifford, “Justification: the Calvin-Saumur Perspective” (available on-line at http://www.nrchurch.co.nr/), p. 8; quoted with approval by Jenkins, Saumer Redux, pp. 53-55.
134 Clifford, “Justification: the Calvin-Saumur Perspective,” pp. 8, 22.
135 Clifford, “Justification: the Calvin-Saumur Perspective,” p. 17.
136 Ursinus, Commentary on the Heidelberg Catechism, p. 326; italics mine.
137 Clifford, “Justification: the Calvin-Saumur Perspective,” pp. 17-18.
138 Ursinus, Commentary on the Heidelberg Catechism, p. 325; italics mine.
139 Ursinus, Commentary on the Heidelberg Catechism, p. 327.
140 Caspar Olevianus, A Firm Foundation: An Aid to Interpreting the Heidelberg Catechism, trans. & ed. by Lyle D. Bierma (Grand Rapids, MI: Baker, 1995), p. 124; italics mine.
141Turretin, Institutes, vol. 2, p. 454.
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